Balades

En cherchant le «Mont Cenis» j’ai trouvé le «Parnasse»

C’est la deuxième année de suite que j’ai cherché sans succès la Pensée du Mont Cenis dans un immense pierrier. Je me base sur un document ancien qui parle d’une importante population de cette fleur en situant l’endroit et l’altitude ainsi qu’un document récent qui prouve sa présence au même endroit.

J’ai par contre eu l’immense joie de trouver la Renoncule à feuilles de parnassie. Cette fleur est très rare dans les Préalpes fribourgeoises, tellement rare que je n’espérais même pas la rencontrer un jour.

Heureux, et comme je suis têtu je finirai bien par trouver la Mont Cenis.


L’heure bleue

Vespérale. Lentement le soleil décline. Le silence est absolu. Même les oiseaux sont soudainement muets, comme pétrifiés par la nuit qui s’annonce. Les reliefs et les aspérités de la roche s’estompent. Partout le bleu s’impose. Bleu uniforme qui s’éclaircit sur la distance. Les montagnes si redoutables se transforment en silhouettes aimables. Bientôt le soleil livrera son baroud d’honneur en rosissant le ciel et les cimes.

C’est l’heure que je préfère. Dans ma tête j’entends toujours la même mélodie. Le début du Magnificat de Claudio. Sur mes joues coulent les larmes d’un bonheur parfait. La nuit sera belle.

 


Confinement

Ado il m’arrivait de courber l’école pour aller me balader. Cette transgression me procurait un délicieux sentiment de liberté, pimenté par le risque d’une éventuelle punition. Il aura fallu attendre 60 ans pour revivre un semblant d’école buissonnière. Hier j’ai rompu le confinement imposé aux vieux pour me rendre au Grand Pierrier. J’avais trop envie d’une véritable balade, d’un effort physique et surtout de revoir le pierrier endormi sous la neige. Et puis, pour dire vrai, j’en ai marre d’être infantilisé sous prétexte de protection.
Je suis rentré comblé et sainement fatigué. J’ai vu des Marmottes, deux Aigles, une escadrille de Chocards, les infatigables Rougequeues noirs, les Chamois (au loin) et les premières floraisons. Tout le décor est en place pour mes aventures estivales, avec ou sans confinement.


Bientôt

Bientôt j’irai en montagne
Flâner dans les prairies fleuries
Crapahuter dans les pierriers,
Passer la nuit
Confiné dans mon sac de couchage
A même le sol
Pour bien sentir
Mon appartenance à cette terre,
Humer la fraîcheur de la nuit
Admirer le ciel étoilé
Et vivre avec joie
La naissance du jour.


Adieu Martin

C’était une journée pluvieuse et brumeuse. Venant des Recardets je m’apprêtait à rejoindre le Breccaschlund par le Col du Chamois. Soudain j’avais vu un visage se détacher du brouillard épais. Un visage émacié entouré d’une chevelure et barbe blanches. C’était comme une apparition d’un personnage de conte. J’avais croisé l’homme un plus bas sur le sentier étroit. Salut, salut, c’est tout.

Je l’avais revu une deuxième fois, toujours au Breccaschlund, du côté de Combi. Assis sur la crête je l’ai vu gravir la pente raide. Il avait le pas régulier et efficace des vrais montagnards.

Tous les samedis, Martin venait au marché pour donner un coup de main à un ami. Il déposait son vélo à la rue des Epouses, en face de mon atelier. C’est à cette occasion que j’ai fait sa connaissance. Après le marché il se rendait au Belvédère. Cette terrasse haut perchée sur la falaise, un peu comme un nid d’aigle, devait particulièrement convenir au montagnard qu’il était.

C’est en revenant chercher son vélo pour rentrer chez lui ou aller faire de la grimpe à la Tour de Morat, que nous parlions un moment. Martin n’était pas un bavard. Il allait à l’essentiel, la montagne. Le reste n’avait pas d’importance. Je savais juste qu’il était Haut-Valaisan. Parfois il me parlait de son Binntal natal. Avec le temps ces rencontres étaient devenus un rituel, et il s’était tissé entre nous une sorte de lien fraternel. Le lien entre deux hommes qui aiment pratiquer la montagne en solitaire, chacun à sa manière, lui pour les sommets et moi pour les fleurs.

Cela fait un mois que Martin a disparu. On aurait retrouvé son vélo au Lac Noir. C’est tout ce que l’on sait. Pour moi il est retourné dans le brouillard de la montagne, ce brouillard d’où je l’ai vu surgir la première fois.

Adieu Martin, ton sourire et tes yeux pétillants qui m’annonçaient le prochain sommet vont me manquer.

Adieu Martin, je t’aimais bien, tu sais.

PS : La Dent de Folliéran était le dernier sommet que Martin m’avait annoncé. Je l’ai revu le samedi suivant sans pouvoir lui parler. J’ai fait cette photo fin juillet à Porcheresse en pensant à lui.

 


A l’écoute des chamois

En situation de danger, le chamois émet une sorte d’aboiement, un son rauque pas très sonore. En observant un groupe de chamois, je me demande souvent comment ils communiquent entre eux. Un jour j’ai vu une chèvre émettre un son. Je n’avais rien entendu, mais tous les jeunes de la «garderie» se sont immédiatement réunis autour d’elle, comme si il s’agissait d’un ordre impératif. Par contre, une chèvre qui refuse la tétée à son petit, tournera sur elle même pour l’en empêcher. Au bout de trois ou quatre rotations, le petit comprend le message. Il semble donc, que les chamois ont un langage sonore ou gestuel pour communiquer. A noter que les chamois ont l’ouïe nettement plus développée que les humains. Ils ne sont donc pas obligés de « parler » fort pour se comprendre. En les observant à distance, ce qui est presque toujours le cas, il nous est pratiquement impossible d’entendre d’éventuels messages sonores.

A l’appel de la chèvre…

…les petits obéissent.


Transfigurations d’un paysage

Vanil d’Arpille, Gros Brun, Combiflue, Chörblispitz, Kaiseregg, Schafberg depuis le vallon de Porcheresse au pied du Vanil Noir à 18:43, 05:30 et 07:31


Juste une saxifrage pour la route

Des chamois se prélassent à l’ombre de la falaise abrupte. Les petits s’amusent sur un névé. Poursuites, sauts, cabrioles acrobatiques. Se muscler en jouant. Parfois la chute d’une pierre crée un mouvement de fuite et dérange l’idylle pour quelques instants.

Le faucon crécerelle tourne ses rondes dans le ciel bleu immaculé. Un rougequeue noir s’offre une pause sur la pointe d’un sapelot biscornu.

Soudain le corps svelte d’une hermine. Impossible de suivre sa course effrénée en zigzag. Elle disparait pour réapparaitre où l’on se s’y attend pas. Petit jeu de devinette.

Le bois gentil en fleur dégage son parfum obsédant. Au loin le chant du coucou, parfois le sifflement aigu d’une marmotte. Sinon le silence.

Une longue après-midi à ne rien faire. Juste la joie de voir vivre le Grand Pierrier, mon reg à moi. En partant, une saxifrage musquée pour la route.

Le Grand Pierrier, 23 juin 2019


La vengeance de la grenouille

Le soleil venait de se coucher, spectacle son et lumière. Au loin un cor des Alpes avait joué le Ranz des vaches pour accompagner la disparition de l’astre. Dernier carré de chocolat, dernière clope et dernières gorgées de vin rouge. Les yeux fermés, je repassais les images marquantes de la journée. Le rut des crapauds dans la gouille, la découverte d’une magnifique saxifrage en pleine floraison et la course poursuite des deux chamois dans le pierrier.

Quelque chose me tombe sur la tête. J’ouvre les yeux. Une petite grenouille se trouve sur mon coussin improvisé. Une petite tape sous le coussin pour faire fuir la visiteuse indésirée.

Quelques instants plus tard rebelote. Le même batracien au même endroit. Cette fois la tape est plus forte. C’était peut-être une princesse ensorcelée. Trop tard, je m’endort.

Durant la nuit, la grenouille courroucée se rend chez Ondine la nymphe pour se plaindre de mes manières inhospitalières en lui demandant de me punir.

La vengeance me tombe dessus à l’aube. Une averse nourrie me réveille. J’improvise une protection. Heureusement que cela ne dure pas trop. Le sac de couchage a tenu le coup et grâce au vent, tout sèche avant la venue du soleil.

Petsernetse 17 et 18 juin 2019

Le coucher du soleil

La partouze des crapauds en rut

La Saxifrage à feuilles opposées

La détente athlétique du chamois en fuite

Le ciel après l’averse


Stop

Pour m’éviter certaines longues marches d’approche sur des routes goudronnées, je fait du stop. Cela fonctionne parfaitement. En principe, la première voiture s’arrête. Il faut croire qu’un vieux con chargé d’un grand sac à dos suscite la compassion.
Cette pratique me permets souvent de faire de belles rencontres avec des gens de la région. Par exemple une inséminatrice qui m’explique les ficelles de son métier ou un membre du club alpin qui m’indique quelques endroits a ne pas manquer lors de ma balade.
En remerciement je leur offre ce brin de Bois gentil.


Cartes postales

Montrer les fleurs et les paysages alpins qui les hébergent, un peu à la manière d’une carte postale que l’on enverrait à un ami. L’idée m’est venue cet hiver en mettant de l’ordre dans mes très nombreuses photos de fleurs.

Chaque fois que l’occasion se présentera, j’ajouterai une image à ma collection. Ce n’est pas toujours évident. L’autre jour j’ai crapahuté un bon moment pour faire la photo des Narcisses et de la Dent de Lys. Je la voulais absolument.

Peut-être que je le fait pour mes vieux jours, pour me souvenir de mes balades quand je serai vraiment vieux ou pourquoi pas un livre. Peut-être…


L’oiseau mort

On creusait une tombe profonde avec nos petites pelles, on bricolait une croix avec deux bâtons et un bout de ficelle. Puis on célébrait les obsèques de l’oiseau. Moments recueillis et solennels qui se terminaient toujours dans la joie.

Souvenirs d’enfance.


Naissance d’un jour

« Dans les montagnes, les vastes étendues de purs violets et mauves apparaissent dans le lointain… Celui qui n’a jamais vu la couleur rose des rayons de l’aube passant dessus d’une montagne ne peut avoir la moindre idée de ce que signifie la tendresse d’une couleur… »

John Ruskin, 1856

Fochsen, 30 août 2017 entre 05.20h et 05.25h


Petite balade printnanière

Le Palatinat et Grandfey. Des endroits que je visitait fréquemment à l’époque de Pif le chien. Lui aimait la profusion de bâtons et moi celle des fleurs. J’ai constaté, une fois de plus, avec quelle brutalité l’humain intervient dans ce qu’il appelle l’environnement. D’une orée de forêt constituée d’un grand nombre de buissons, entre autres des noisetiers, églantiers, prunelliers et même de la belladone (que l’on rencontre rarement), il ne reste plus rien. Ratiboisée. Dans la forêt, une coupe rase favorise l’expansion de la buddleia de David, une plante invasive qui prend la place de la végétation indigène. J’ai tout de même retrouvé quelques fleurs. Maigre  consolation.

Perce-neige

Véronique de Perse

Eranthe d’hiver

Hellébore fétide

Hépatique à trois lobes

Tussilage


Mon herbier des Préalpes fribourgeoises

Depuis le temps que je crapahute dans mes jardins des Préalpes fribourgeoises, j’ai amassé un nombre impressionnant de photos de fleurs. Je profite des longues soirées d’hiver pour mettre de l’ordre, choisir les meilleures photos et les classer par familles floristiques. C’est également l’occasion de recenser les fleurs qui manquent encore à ma collection. Je sais heureusement où trouver quelques-unes de ces fleurs manquantes. Pour le autres il me faudra du flair et surtout une bonne dose de chance. Je vais donc programmer mes balades estivales en fonction de ces recherches.

Le but de ce travail de bénédictin est de pouvoir tenir dans mes mains un herbier sous forme de livre photo. Dans une année ou deux, peut-être. En attendant et en avant-première, la page titre de mon futur herbier personnel ainsi qu’une page concernant une partie de la grande famille des Asteracées.


Couleurs de novembre


Ernst

Quand il était enfant, Ernst marchait plus de deux heures pour se rendre à l’école du village. Les gens se moquaient de lui en lui disant qu’il habitait le trou du cul du monde.

Ernst est paysan. Après m’avoir vu à plusieurs reprises rôder sur ses terres, il a voulu connaître le pourquoi de mes présences régulières. Depuis nous sommes copains.

Quand il me parle de son pays qu’il aime profondément, il utilise des mots simples, précis. J’aime ce langage sobre mais imagé utilisé par les gens qui travaillent la terre.

L’autre jour nous avons parlé de la parure automnale des arbres et de cette multitude de verts qui colorent encore les prairies à cette saison tardive.

Ainsi, à chaque rencontre, ses histoires ou remarques s’ajoutent à mes propres observations et par petites touches je fais mien le terroir de Ernst. Grâce à lui j’aime de plus en plus mes voyages au trou du cul du monde. Merci Ernst !


La révolte des chaussures de marche

Au bout de 44 jours d’inactivité, mes souliers de marche ont commencé a protester et se lamenter. Petits cris à peine audibles au début, puis crescendo. Grincements de cuir, battements de lacets, couinements de semelles. Un boucan du diable. Cette nuit j’ai à peine fermé l’œil et dû remettre à l’après-midi la balade initialement prévue dès l’aube. J’ai bien voulu les calmer en les massant avec la graisse qu’elles aiment tant. Rien à cirer. J’ai eu la paix au moment de les chausser.

On a fait une belle balade.


Au petit matin

Au petit matin, en allant rendre visite aux Edelweiss, j’ai fait de belles rencontres. A commencer par les nombreux Rougequeues noirs, les petits princes du pierrier. Une Marmotte montait la garde, alors qu’au loin un Faucon crécerelle effectuait le vol du Saint-Esprit avant de plonger sur une proie. Un Traquet motteux semblait méditer sur son caillou et les baies du Sureau à grappes brillaient au soleil. Un joyeux trio de Venturons montagnards faisait halte sur un sapelot, de nombreux Papillons et Zigènes virevoltaient à la recherche de nectar et au bas d’un rocher une Araignée attendait patiemment sa proie. Bref, je me suis arrêté tellement souvent pour regarder que j’ai failli oublier les Edelweiss.
Je n’ai par contre pas revu la discrète Bartavelle. Inutile de la chercher. Je sais qu’une éventuelle rencontre sera le fruit du hasard. Et c’est très bien ainsi.

Le Grand Pierrier, Préalpes fribourgeoises.


La Perdrix bartavelle

La Perdrix bartavelle est un oiseau alpin plutôt rare et surtout très discret. Elle figure sur la liste rouge des espèces menacées.

Il y a 4 ans, j’avais vu ou cru voir pour la première fois une Perdrix bartavelle et sa nichée. Un ami ornithologue avait trouvé une plume de cet oiseau dans la zone de mon observation. Preuve formelle de sa présence.

Depuis, la Bartavelle ne cesse de me narguer. Je l’ai souvent entendu à l’aube ou aperçu. Visions toujours fugaces. Un matin j’ai vu trois oisillons sur un caillou juste devant moi. Le temps de réaliser, ils avaient disparu. Ainsi de suite…

Hier je l’ai enfin vue pour de bon avec deux poussins en prime.

Maintenant que j’ai la certitude de sa présence dans le Grand Pierrier, cet endroit m’est encore plus cher.

Le Grand Pierrier, Préalpes fribourgeoises


Singine vespérale

Le dimanche soir est propice à la balade. Lumières chatoyantes, sérénité et silence.


Chamoiseries

C’est le soir. Les randonneurs ont regagné la plaine. Les animaux sauvages s’approchent pour occuper des espaces qu’ils évitent la journée.

Au soleil du soir des jeunes chamois s’amusent dans la neige. Provocations, courses poursuites, cabrioles et parfois une tétée chez maman. A la fin une mère appelle et tout le monde obéit.

Préalpes fribourgeoises


Félésimaz Devant

Selon la légende, c’est la fée Félésimaz qui aurait donné son nom à cet alpage du Petit Mont. La fée habite la mythique forêt du Lapé, unique forêt d’aroles au nord des Alpes.

En juillet 2016 j’ai passé une nuit sur la crête qui sépare les alpages de Félésimaz Devant et du Pralet. Je m’étais dit qu’il serait merveilleux de pouvoir disposer de ce chalet pour explorer le Petit Mont et sa forêt.

La fée Félésimaz m’avait entendu. Une année plus tard, comme par enchantement, on m’a offert l’hospitalité du chalet pour quelques jours.

Mais la forêt du Lapé est hantée par d’autres esprits: les Bonnets rouges. Peu de temps après mon passage, ces êtres malfaisants ont bouté le feu au chalet. C’est du moins ce que retiendra la légende.

Au dernières nouvelles Félésimaz Devant sera reconstruit. Dans sa forme carrée originelle et plus beau qu’avant, comme le dit la chanson.


Le couvre-feu

Au Moyen-Age une cloche signalait le couvre-feu à la tombée de la nuit pour indiquer qu’il était temps de recouvrir les feux d’un couvercle de fonte pour éviter tout incendie. Sage précaution.

A Fribourg cette tradition subsiste. Tous les soirs à 22.15h, la cloche de sainte Barbe de la Cathédrale Saint-Nicolas (1367, 2’106kg) sonne le couvre-feu.

Je me suis souvent demandé pourquoi elle sonnait à cette heure précise. J’ai posé la question à l’ecclésiastique et à l’historien sans obtenir de réponse.

C’est en passant des nuits à la montagne, que j’ai peut-être trouvé une réponse plausible. J’ai remarqué que les cloches des troupeaux commençaient a se taire à partir de cette heure, toujours vers 22.15h. Pas d’un coup évidemment, mais progressivement. Ce n’est pas tout. Les chamois et les bouquetins désertent également les prairies à partir de cette heure pour regagner les hauteurs et le coucou noctambule cesse sont chant obsédant.

Proches des cycles immuables de la nature, nos ancêtres ont ainsi fixé le début de la nuit à cette heure précise, l’heure où les animaux diurnes cessent leur activité pour se reposer. Activité qu’ils reprennent dès les premières lueurs du jour. A l’aube, avant le lever du soleil.

(Illustrations: les heures bleues, tombée de la nuit et aube au Fochsen)